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Qui a accès au théâtre ?

Pourquoi le Kaaitheater a opté pour le CovidSafeBE Ticket pour les salles à partir de 200 places

Article
26.08.21

Pourquoi le Kaaitheater a opté pour le CovidSafeBE Ticket pour les salles à partir de 200 places

La question de savoir qui a accès à nos théâtres est récurrente depuis des décennies dans le secteur ainsi que dans la société en général,  et se pose avec d’autant plus d‘acuité avec le Covid.
La plupart du temps, elle est considérée en relation avec les inégalités structurelles fondées sur la classe, l'éducation, l'argent, la race, le genre et les aptitudes. La responsabilité des théâtres dans le traitement de ces questions a été importante, tout comme le rôle des écoles et d'autres institutions.

À cette longue liste de critères complexes et intersectionnels définissant qui a accès au théâtre, il faut désormais ajouter celui de la santé des spectateur·ices et du contrôle de leur identité. Ici aussi, le rôle des théâtres et des autres institutions est crucial.

Le Kaaitheater a placé la question "How to Be Many" (Comment être nombreux·ses ?) au cœur de son fonctionnement, tant maintenant que pour les années à venir. Qu'il s'agisse de définir qui se produit sur scène, qui se trouve dans les tribunes et combien il·elle a payé son billet, nous nous posons la question de savoir qui a accès au théâtre et se sent autorisé à y entrer. Au vu de l'importance de cette question pour nous, comme pour le reste du secteur, nous avons mené ces derniers jours de longues discussions sur l'impact du du CovidSafeBE Ticket (CST) sur notre organisation et sur la vie de nos publics.

Choisir de ne pas demander un CST  à l'entrée de nos salles reviendrait à tenter de garder les portes de nos théâtres ouvertes au plus grand nombre possible de personnes différentes - qu'elles veuillent (ou aient le choix) de se faire vacciner ou non. Tout le monde pourrait s'asseoir dans le noir. Mais nous devrions garder un siège sur deux vide, ce qui signifierait que seule la moitié de la capacité de nos salles pourrait être utilisée pour accueillir des spectateur·icess. Ce n'est pas ce qu'on appelle être nombreux·ses.

Opter pour un CST signifierait d’autre part  que nous participons à une vaste entreprise de contrôle des corps, des esprits et des identités, y compris dans des lieux où ce ne devrait jamais être le cas. En outre, les visiteur·icess non vacciné·es de nos théâtres devraient payer pour un test qui, pour beaucoup, signifierait payer deux fois plus cher pour leurs billets. Tout cela va à l'encontre d'une longue liste de mesures que nous adoptons afin de rendre nos salles accessibles à un plus large éventail de personnes.

En fin de compte, nous avons décidé de travailler avec le CST pour les salles à partir de 200 places, car "être nombreux·ses » soulève également la question de "combien sommes-nous". Combien de sièges pouvons-nous utiliser pour que le public puisse s'asseoir ? Combien de personnes peuvent voir une pièce qui attend depuis 18 mois d'être présentée à un public ?  Cette question du nombre de personnes pouvant avoir accès à la culture est d'une extrême importance lorsqu'il s'agit de sortir d'une pandémie dont le bilan mental est énorme. Pouvons-nous en tant que société nous permettre de rendre la culture et nos théâtres accessibles uniquement à un groupe très restreint de personnes ? Ou essayons-nous de les rendre accessibles au plus grand nombre ? De plus, le fait de travailler avec un CST offre un environnement plus "sûr", dans lequel un plus grand nombre de personnes se peuvent sentir à l'aise en étant assises dans le noir à côté d'autres spectateur·ices. Cela signifie, en bref, que les artistes peuvent présenter leur travail à un grand nombre de personnes, ce qui est au cœur de notre mission en tant que centre artistique.

La décision d'opter ou non pour le CST est également une question financière. Les théâtres ont soutenu les artistes pendant la pandémie. Mais les théâtres ne peuvent tout simplement pas survivre avec seulement la moitié de la capacité de leurs salles. Payer des cachets décents aux artistes n'est possible que si un nombre décent de spectateur·ices assistent à leurs spectacles. Surtout si les théâtres s'efforcent de maintenir les prix des billets à un niveau aussi bas que possible et de les rendre accessibles au plus grand nombre, ce que le Kaaitheater vise à faire avec sa nouvelle politique de prix "Pay What You Can". Une réduction à long terme de la capacité d'accueil du public aurait un impact énorme sur le budget du théâtre et conduirait soit à une réduction de l'offre de programmes et du nombre d'artistes que les théâtres peuvent présenter, soit à une inévitable augmentation du prix des billets. Nous ne voulons ni l'une ni l’autre de ces options.

Nous sommes cependant conscient·es des problèmes que soulève la décision d'adopter le CST et nous nous y attaquons. Pour rendre leur programme accessible au plus grand nombre de spectateur·ices possible, les institutions comme le Kaaitheater sont contraintes de choisir entre une décision conforme à leurs valeurs et à leurs efforts pour, par ailleurs, lutter contre les inégalités - et une décision qui renforce des mécanismes indésirables de contrôle, de discrimination et de privilèges financiers. On pourrait appeler cela l'éthique contre le pragmatisme.

Dans ce jeu de dupes, nous optons pour le pragmatisme, mais nous appelons les autorités de notre ville, notre région et de notre pays à prendre deux mesures :

  1. Faire en sorte que le CST soit être une mesure à court terme destinée à disparaître le plus rapidement possible.
  2. Mettre à disposition des tests antigéniques gratuits pour la culture, en permettant à toute personne ayant un ticket pour une activité culturelle de faire un test rapide et gratuit dans n'importe quel centre de test de ce pays.

Cela permettrait au plus grand nombre d'accéder aux salles de spectacle, indépendamment de leur état de santé, leurs convictions ou de leurs possibilités financières.