Memorandum: One Alarm, Many Voices
Vendredi passé, une vingtaine d’agents de la police fédérale ont fait intrusion à Globe Aroma et ont arrêté sept artistes. Deux d’entre eux sont désormais placés en centre fermé, quatre autres ont reçu un ordre de quitter le territoire.
Globe Aroma est un lieu ouvert, au cœur de Bruxelles, où tout un chacun est le bienvenu – indépendamment de l’origine, de la situation personnelle ou du statut. Il s’agit d’un lieu où des primo-arrivants peuvent venir peindre, faire de la musique ou du théâtre et y rencontrer des artistes locaux : de l’intégration active autour d’une crêpe, d’une tasse de thé ou de café. Simple comme bonjour, mais d’une importance incommensurable pour le fragile tissu social et la viabilité dans une métropole.
Des scénarios comparables se sont déjà produits en 2017 dans quelques dizaines d’organisations sociales, socio-culturelles, de la jeunesse et des sports. Ces actions cadrent dans le Plan Canal du ministre Jan Jambon et sont censées contrer la menace terroriste et la radicalisation. Attaquer des artistes et clubs de sport pour combattre le terrorisme ? Comprenne qui peut.
Toujours plus de gens errent aujourd’hui sans papiers dans les rues de nos villes. Entre les droits civiques de ceux qui disposent de la bonne nationalité et les droits humains universels, on voit émerger un no man’s land. C’est précisément dans cette zone grise que s’exerce la solidarité humaine : des individus et des associations accomplissent les missions qui incombent aux autorités publiques mais auxquelles elles se dérobent.
Ces initiatives cherchent à donner un cadre juridique à cette zone grise, car personne n’aime travailler dans un vide législatif. Certaines autorités, le plus souvent locales, sont au courant et soutiennent les multiples solutions créatives pour pallier la précarité croissante vis-à-vis de laquelle personne ne peut plus se voiler la face.
Hélas, la solidarité citoyenne se voit toujours davantage contrainte à céder du terrain à l’interprétation dure et froide de la loi. Le secteur créatif, la société civile au sens large et des citoyens toujours plus nombreux s’inscrivent en faux, prennent leurs responsabilités et s’organisent au sein de cette zone indéfinie en légalité et illégalité, avec l’humanité pour seule boussole morale. Nous exigeons du soutien pour ces initiatives, pas des sanctions.
Tout ce qui paraît évident aujourd’hui a un jour été combattu. Les bouleversements sociétaux requièrent, à chaque fois, des négociations et du courage politique. Nous ferons preuve de ce courage parce que « quand les habitants les plus vulnérables de nos villes sont traqués comme du gibier, nous faisons tous partie du terrain de chasse. » (Carte blanche, De Standaard, 12 février 2018).