Sacre, the Rite of Spring
Le Sacre du printemps d’Igor Stravinsky revisité par Hoghe, musique en public
Igor Stravinsky a composé la musique du ballet Le Sacre du printemps en 1913. Le spectacle fut présenté pour la première fois dans l’année même, au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, dans une chorégraphie de Vaclav Nijinski dansée par les Ballets Russes. Le ballet connut un succès de scandale, mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle il représente un tournant dans l’histoire de la musique et de la danse. La puissance qui se dégage de la musique impétueuse et dissonante, la rupture brutale avec le vocabulaire classique de la danse que Nijinski réalise avec sa chorégraphie et le « sujet » hautement érotique ont provoqué une commotion qui n’est pas prête de s’éteindre.
De nombreux chorégraphes – Martha Graham, Maurice Béjart, Pina Bausch, Jérôme Bel et d’autres – ont créé leur version du Sacre sur la musique de Stravinsky, en donnant leur interprétation personnelle du livret. Dans le livret d’origine, l’histoire se déroule au sein d’une peuplade primitive d’anciens Slaves : pour célébrer le printemps, une jeune fille doit se sacrifier pour permettre le renouveau. Au cours de ce rituel sacrificiel, la jeune femme danse jusqu’à ce que mort s’ensuive. Vie et mort, rituel et fertilité ainsi qu’un érotisme sans ambages constituent l’essence de ce ballet.
Le chorégraphe allemand Raimund Hoghe (1949) a travaillé dix ans en tant que dramaturge pour Pina Bausch. En 1989, il a commencé à réaliser ses propres spectacles. Les premiers étaient fortement marqués par son autobiographie : un regard rétrospectif sur son enfance et sa jeunesse dans l’Allemagne de l’après-guerre, une existence débordante de désirs non exprimés et de solitude cachée, un univers peuplé d’images d’étoiles du cinéma et de tubes de chanteurs de charme, la tentative d’un homme infirme – Hoghe est petit et bossu – de se réconcilier avec son corps.
La bande sonore que l’on entend dans la plupart des spectacles de Hoghe tend plutôt à évoquer l’atmosphère d’une époque qu’à servir de musique de danse. Lorsqu’en 2002, il réalise Young people, old voices, un spectacle où il se produit sur la scène en compagnie d’une dizaine de performeurs non professionnels, il intègre quelques extraits du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky sur lesquels il danse en duo avec le jeune footballeur Lorenzo De Brabandere. Plus tard germe l’idée de créer une chorégraphie pour l’intégrale du Sacre et de la danser, avec Lorenzo. La première du Sacre du printemps de Raimund Hoghe a eu lieu au Kaaitheater en janvier 2004, où le spectacle a connu un succès retentissant.
Ne disposant pas des moyens requis pour un accompagnement musical en public, Hoghe s’est servi d’un enregistrement de la partition d’orchestre, introduit et accompagné par la voix de Stravinsky, qui raconte en personne la création de l’œuvre et son premier accueil public. Néanmoins, Hoghe caressait le rêve de pouvoir un jour interpréter sa chorégraphie avec un accompagnement musical en direct. Le Klarafestival offre l’occasion rêvée de rendre justice au Sacre du printemps en sa double qualité de référence historique, tant en musique qu’en danse.
Hoghe a choisi l’adaptation que Stravinsky a lui-même faite de sa composition, un arrangement pour deux pianos, auxquels prendront place Alain Franco et Guy Vandromme. Vandromme se produit en tant que pianiste exécutant en Belgique et à l’étranger. Il est aussi l’un des membres fondateurs de l’ensemble de musique contemporaine et d’improvisation Q-02. Alain Franco est pianiste et chef d’orchestre et a déjà collaboré avec Champ d’Action, Ictus, Rosas et Needcompany ; il enseigne par ailleurs à P.A.R.T.S.
Deux hommes aux pianos, deux hommes sur la scène. Deux pas de deux. En ce qui concerne Hoghe et de Brabandere, le mot de duo est entièrement justifié. Hoghe a créé une chorégraphie linéaire, quasi horizontale et réduite à sa plus simple expression, dans laquelle les deux hommes se miment pour ainsi dire, malgré la différence évidente entre le corps âgé et bossu de l’un et le corps jeune et énergique de l’autre. La géométrie et la répétition des parcours que les deux performeurs effectuent sur la scène leur confèrent une puissance rituelle. Si le lien étroit avec le rituel est caractéristique de l’œuvre de Hoghe, il réfère ici à la célébration relatée dans le livret d’origine. L’attirance qu’ils ressentent l’un vers l’autre et le désir érotique sont tempérés par une certaine paix et acceptation : la conscience qu’il faut que quelque chose meure pour qu’autre chose puisse vivre. Le lien entre l’Éros et le Thanatos n’est pas vécu de manière violente. L’intimité et l’attention avec lesquelles les deux hommes exécutent de simples mouvements et figures, s’appuient sur une conscience profonde de la présence de l’autre.
concept Raimund Hoghe
chorégraphie & danse Raimund Hoghe & Lorenzo De Brabandere
collaborateur artistique Luca Giacomo Schulte
musique Igor Stravinsky
piano Guy Vandromme & Alain Franco
éclairage Raimund Hoghe & Amaury Seval
responsable de la production Anne-Lise Gobin
production Raimund Hoghe(Düsseldorf) & Groupe Kam Laï (Paris)
coproduction Montpellier Danse (Montpellier) & Theater im Pumpenhaus (Münster)
en collaboration avec le Festival de Flandre Bruxelles
avec le soutien de Kaaitheater & STUK (Leuven)