Kruistochten

La saison précédente, Ivo Van Hove, le directeur artistique du Toneelgroep Amsterdam, a organisé un cycle de spectacles autour du thème du « mariage ». L'un d'eux était Kruistochten (Croisades) tiré de la comédie en trois volets The Norman Conquests d'Alan Ayckbourn (1939). Van Hove signe là un spectacle si étourdissant et attrayant qu'il est demeuré au répertoire de cette saison et pourra donc être vu à Bruxelles. En outre, la production a été sélectionnée pour le Theaterfestival 2005.

Ayckbourn écrit des comédies qui réconcilient et font fusionner divertissement et profondeur. La trilogie The Norman Conquests date de 1973 et raconte la même histoire à partir de trois angles différents : un fils, deux filles et leurs conjoints respectifs se réunissent dans la maison familiale le temps d'un week-end. La mère, malade, est à la maison mais ne participe pas à l'action sur scène. La plus jeune s?ur Annet, qui soigne sa mère au quotidien, souhaiterait profiter de la venue de sa s?ur Ruth (avec son mari Norman) et de son frère Rik (avec sa femme Sarah) pour aller passer un week-end à la mer. Il s'avère cependant bientôt qu'elle n'a pas l'intention de filer à l'anglaise en solitaire, mais qu'elle veut passer quelques jours en amoureux avec son beau-frère Norman.

Cette manigance et les tentatives de la déjouer provoquent quelques situations comiques et permettent à Ayckbourn d'exposer avec légèreté et à propos sa « philosophie » de la vie conjugale. Selon lui, à long terme, le mariage sombre dans l'ennui ou devient une source de problèmes. Corrosif et bienveillant à la fois, il donne une apparence comique à ses personnages, tout en laissant deviner la douleur et surtout les désirs qui les rongent. La première partie se déroule dans la cuisine, la deuxième au salon et la troisième au jardin.

Dans la version de Van Hove, les trois volets de la trilogie se jouent le même soir. Le scénographe Jan Versweyveld a ingénieusement conçu une « petite maison » multifonctionnelle. Dans l'image théâtrale, le sol est le lieu le plus important, on s'y assoit, on y parle, on y mange, on s'y couche (pour faire l'amour), etc. Pas étonnant que la scène finisse par ressembler à un dépotoir. Une caméra, placée au-dessus de la scène, enregistre tout le déroulement et les meilleurs moments, le « best of », sont ensuite projetés en accéléré sur un grand écran.

Van Hove, Versweyveld et les acteurs ont fait de ce spectacle une expérience délicieusement comique. Les comédiens du Toneelgroep Amsterdam - Hans Kesting dans le rôle de Norman en tête - prouvent qu'ils maîtrisent parfaitement l'art de la comédie, réputé difficile, avec son minutage précis et son approche des personnages qui requiert à la fois une identification et une distance.