Turning Point
‘Pourquoi la danse suscite-elle tant de préjugés?’
un articel de Michaël Bellon (BRUZZ, 23/06/2021)
Chaque semaine, notre radar repère un.e artiste qui mérite votre attention. Cette semaine, la chorégraphe Nancy Naous, qui évolue entre Paris, Beyrouth et Bruxelles, se demande ce que la danse nous apprend sur les gens et le monde qui nous entourent.
4 120 kilomètres – c’est la distance entre Beyrouth et Paris. La chorégraphe libanaise Nancy Naous a parcouru cette distance à plusieurs reprises et l’a choisie comme nom pour sa compagnie de danse Cie 4120 CORPS. Nancy Naous a étudié le théâtre et les arts du spectacle à Beyrouth, où elle a cofondé l’un des premiers collectifs de théâtre de mouvement libanais. 4 120 kilomètres plus loin, elle a également obtenu un diplôme d’Études corporelles à la Sorbonne Nouvelle à Paris, où elle vit désormais avec sa famille.
« Mais j’ai besoin des deux villes. Beyrouth est la ville qui me nourrit, où je connais tout le monde et où je ne ressens aucune pression du temps. Mais c’est aussi la ville où je ressens le poids de mon histoire et de mon éducation, et où je prends conscience dans les lieux publics du regard des autres sur mon corps », confi ait-elle au magazine MO* en 2017, à l’occasion de l’édition du festival Moussem Cities consacrée à Beyrouth, où elle présentait sa performance et installation The Third Circle : Variations. Car si vous ajoutez 300 kilomètres à ces 4 120 kilomètres, vous êtes à Bruxelles, où Nancy Naous a aussi un ancrage grâce au centre d’arts nomade Moussem et au Kaaitheater.
PARLONS-EN
Pour Nancy Naous, la danse est un moyen d’aborder les questions d’identité, sociales, politiques, cultu-relles, religieuses et psychologiques. Avec une attention particulière à la situation dans le monde arabe.
Pour The Third Circle : Variations, elle s’est entretenue avec des intellectuels islamiques, des chefs religieux et des spécialistes de la loi islamique pour connaître leur point de vue sur la place de la danse dans la société. La base de Turning Point, qu’elle présente au Kaaitheater, repose une fois de plus sur des conversations. Cette fois, avec des danseurs du monde arabe. « Je leur ai demandé comment ils ont commencé à danser, quelle est la place de la danse dans leur pays, et ce que leur famille et leur entourage pensent de leur profession. »
Au cours de ce processus, Nancy Naous a rencontré de nombreuses ambiguïtés. « Le mot danse évoque souvent l’image de la danseuse séduisante ou de la danseuse féminine, sauf lorsqu’il s’agit de la danse folklorique qui doit justement respirer la virilité et la force. Je me concentre donc sur la perception, les idées préconçues et les sous-entendus qui existent dans notre région à propos de la danse. Pourquoi notre discipline suscite-t-elle tant de préjugés, de stéréotypes, de contradictions et de questions ? »
Avec Nadim Bahsoun et Ali Beidoun, Nancy Naous remet en question les préjugés complexes sur la danse avec des mouvements subtils du bassin, des costumes choisis avec soin et de la musique électronique en live.