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Michiel Vandevelde, activiste artistique et politique

interview dans La Libre

Feuille de salle
07.06.21

entretien avec Michiel Vandevelde, par Guy Duplat (La Libre, 5/06/2021)

 

À 31 ans, le chorégraphe ouvre la saison du Kaaitheater et devient programmateur du Singel.

            La réouverture du Kaaitheater à Bruxelles se fera avec deux chorégraphies de Michiel Vandevelde, 31 ans, danseur et chorégraphe passé par Parts, mais pas que cela. Il est aussi commissaire d’expositions, écrivain, activiste politique et artistique. Il a travaillé pour le Festival Bâtard, avec Dries Douibi aujourd’hui codirecteur du Kunsten, et est dans le comité de rédaction de la revue Etcetera.
            Il vient en plus d’être nommé co-programmateur scènes du Singel à Anvers et même aussi ambassadeur culturel de la ville de Louvain où il est né en 1990 et a débuté au sein de la compagnie fABULEUS.
            Il achève aussi 5 ans de résidence au Kaaitheater.
            On se souvient de son très beau et fort spectacle Paradise now créé en 2018 pour le Kunsten. Il y reprenait le spectacle du Living Theatre qui fit scandale en 1968 à Avignon et fut présenté à Bruxelles, au Théâtre 140. La bande à Julian Beck exprimait sur scène avec une rage et une liberté totalement neuves les slogans de 68 : changer la société, vivre sa vie au lieu de la subir. La question de Michiel Vandevelde était : serait-ce possible aujourd’hui ? Quel est l’état de révolte de la jeunesse actuelle ? Il avait choisi 13 jeunes danseurs/performeurs de 15 à 24 ans, extraordinaires d’énergie. À la fin du spectacle, dans le noir et la fraternité des corps des spectateurs amassés sur scène, s’élevaient alors les voix des jeunes qui exprimaient leur désarroi, mais aussi l’espoir que, de cette impuissance même, naîtra une force neuve.

La mort
            Michiel Vandevelde a toujours mêlé ainsi réflexions et danse, art et politique. “J’ai toujours voulu comprendre comment marche la machine de l’art, son contexte, sa communication, sa technique (je m’occupe des lumières). Comment parvenir à m’émanciper de ma position pour comprendre celle des autres. J’ai un passé d’activiste par exemple au sein d’Occupy Wall Street.”
            Dans Dances of Death qu’il présente au Kaai, il parle de cette mort omniprésente, mais sans qu’on ait pu inventer de niveaux rituels de deuil. Avec sept danseurs et une chanteuse sur scène “comme un fantôme”, il explore différentes danses macabres. “Comment aborder les adieux à travers l’expérience physique intense de la danse ? Je suis parti de l’histoire de ma mèrequi vient de mourir et dont les parents ne voulaient pas qu’elle devienne danseuse. J’ai retrouvé des petits films qu’elle avait réalisés dans les années 1970 où elle dansait. Et je me suis demandé ce qui fait danser ? Et ce qui m’a amené à danser ? Comment inventer de nouveaux rituels pour commémorer les morts ?”
            La pandémie est venue rappeler la présence de la mort, mais son spectacle n’est pas une nouvelle “danse folle” pour exorciser l’épidémie comme on l’a vu au XVe siècle. “Ce serait plutôt la Boum dans le bois de la Cambre qui serait cette danse d’exorcisme.”
            Dans l’autre spectacle présenté au Kaai, The Goldberg Variations, on retrouve son mélange de danse, d’idéologie et de culture populaire mêlée à la “grande culture”. Bach est joué à l’accordéon sur scène avec trois danseurs reprenant un solo de danse iconique de Steve Paxton des années 1980. Le spectacle interroge : où en est la danse aujourd’hui ? À quel point est-elle ouverte, démocratique, accessible ? Quelles images du corps préférons-nous et lesquelles préfère-t-on ignorer ?

Bach
            Les trois danseurs sont choisis volontairement très différents : Oskar Stalpaert (atteint du syndrome de Down, membre de Platform K), Michiel Vandevelde et l’excellente danseuse d’origine africaine Audrey Merlius : “Je voulais représenter sur scène une société en danger, dans sa diversité, avec l’accordéon populaire jouant du classique, et une diversité des corps à l’heure où elle est mise en danger partout par l’émergence des droites extrêmes. Les centres d’art restent des lieux de résistance où la diversité est possible. Je les vois, comme en photographie, où il y a un espace négatif qui existe à côté de l’espace positif extérieur, un espace où on peut se sentir différent, un laboratoire où s’expriment des discours et des corps différents.”
            C’est le sens du travail qu’il veut mener au Singel dirigé désormais par Hendrik Storme : permettre d’autres pratiques, présenter de nouveaux artistes. “C’est dans des grandes institutions comme De Singel qu’il faut ouvrir des espaces pour les minorités artistiques, les artistes émergents, ceux qui risqueraient d’être rejetés si les élections de 2024 amènent une victoire de l’extrême droite. Le débat deviendra alors vite idéologique avec le danger de vouloir faire de l’art un outil de propagande de l’État flamand. On a vu en Pologne ou en Hongrie comme cela peut vite se faire.”
            Si le Singel continuera à accueillir Ivo Van Hove, Castellucci ou Heiner Goebbels, on y verra aussi Florentina Holzinger, Marlene Monteiro Freitas, François Chaignaud et le chorégraphe Radouan Mriziga qu’admire Michiel Vandevelde. Des mini-festivals (Radiant Nights, Carta, etc.) mettront en lumière des artistes en début de carrière ou “non établis, jusqu’au fragile et l’expérimental”.