How can water give birth to eternal fire?
Some historical and cultural context
Dans le cadre du spectacle How can water give birth to eternal fire ?, le 6 et le 7 novembre aux Kaaistudios, l'artiste Mckenzy Bergile souhaite partager avec vous le contexte suivant.
Dido and Aeneas – Act III : When I am laid in earth
Henry Purcell – 1689
Composée à la fin du XVIIe siècle, Dido and Aeneas raconte l’amour tragique entre la reine Didon et le héros Énée. La scène finale, Dido’s Lament, est un chant funèbre universel : la voix d’un corps abandonné, d’un empire en ruine. Interprétée par Jessye Norman, cantatrice afro-américaine emblématique, sa présence réinscrit l’histoire de l’opéra occidental dans une mémoire afro-diasporique.
Les portes du non-retour
Lieux symboliques d’où furent déportés des millions d’Africains. Passage sans retour vers les cales des navires, effacement forcé des identités, corps et noms suspendus entre terre et mer.
La marelle et l’exil
Figure enfantine et cosmologique, elle trace une géographie verticale — de la terre vers le ciel, en traversant la case de l’enfer. Élévation et irréversibilité : comme pour les corps d’enfants arrachés à leur terre, il n’y a pas de retour possible.
Traite transatlantique des esclaves
Au cours de la traite transatlantique des esclaves, plus de 12 millions d'Africains ont été transportés de force à travers l'Atlantique vers l'Amérique du Nord et du Sud entre le XVIe et le XIXe siècle. Beaucoup sont morts pendant la traversée, connue sous le nom de Passage du Milieu. Le terme Atlantique Noir, inventé par Paul Gilroy, fait référence à l'espace culturel transnational qui a émergé entre l'Afrique, l'Europe et les Amériques à la suite de cette traite. Il considère la diaspora non pas comme une perte, mais comme une forme mobile et interconnectée d'identité collective, de mémoire et de pratique culturelle. Dans les récits afro-diasporiques, un mythe alternatif de l'Atlantide s'est développé en relation avec le Passage du Milieu. Il imagine que ceux qui sont morts – ou qui se sont jetés par-dessus bord en signe de résistance – ont continué à exister dans un royaume spirituel sous-marin. Ce mythe transforme la violence coloniale en un espace de survie et d'origine culturelle au-delà de la mort.
Culture haïtienne, vaudou et spiralisme
La culture haïtienne est façonnée par des influences africaines, européennes et indigènes. Multilingue, hybride et résistante, elle est l'expression vivante d'une histoire marquée par la colonisation, la révolution et l'autodétermination. Dans la culture haïtienne, en particulier dans le vaudou, le chaos n'est pas considéré comme négatif, mais comme un état nécessaire d'où naissent le mouvement, la transformation et la création. Il reflète l'instructure, l'imprévisible, une ouverture vers de nouvelles formes de connaissance, d'ordre et de localisation de soi.
Le vaudou haïtien est une religion syncrétique qui combine les systèmes spirituels d'Afrique de l'Ouest avec le catholicisme et les pratiques locales. Il ne s'agit pas d'une doctrine figée, mais d'une pratique spirituelle et culturelle dynamique qui s'exprime à travers des rituels, de la musique, de la danse et des transes incarnées. Au centre du vaudou se trouvent les lwa, des êtres spirituels qui servent de médiateurs entre le monde humain et le créateur lointain Bondye.
La poudre blanche, souvent du talc ou de la farine, est utilisée dans les rituels vaudous pour marquer les corps et les gestes. Elle symbolise la pureté spirituelle, le lien ancestral et l'ouverture au monde des esprits. Dans les rituels de possession, elle marque également la transformation du corps humain en réceptacle pour les lwa, rendant ainsi physiquement perceptible le moment invisible de l'arrivée spirituelle. Dans les années 1960s, le Spiralisme est apparu comme un mouvement littéraire et artistique en Haïti. Ses principales figures, Frankétienne, René Philoctète et Jean-Claude Fignolé, ont développé une poétique qui embrassait la circularité, la multiplicité et la discontinuité. Pour eux, l'histoire, le langage et l'identité ne sont pas linéaires, mais en forme de spirale, changeant constamment et résistant à toute forme fixe.
Ségrégation et mémoire raciale, Nouvelle-Orléans, 1863.
La question raciale dépasse la couleur visible : des personnes dites « blanches » pouvaient être réduites en esclavage dès lors qu’elles portaient du « sang noir ». Aujourd’hui encore, cette mémoire trouble du métissage hante le corps et la pureté. La couleur de peau suffit-elle, quand sous l’épiderme réside un rhizome de mémoires complexes ?
Jim Crow
Après l'abolition de l'esclavage aux États-Unis en 1865, une brève période de reconstruction a vu la reconnaissance juridique initiale des droits civiques des Noirs dans le Sud. Cependant, cela a été suivi d'une réaction institutionnelle : à partir des années 1870, un système de lois racistes et de ségrégation sociale, connu sous le nom de Jim Crow, a vu le jour. Ces lois imposaient la ségrégation raciale dans presque tous les domaines de la vie publique, des écoles aux transports en passant par le vote, et ont renforcé la marginalisation politique, sociale et économique des Noirs américains. Le système Jim Crow a perduré jusqu'au XXe siècle et n'a été progressivement démantelé que par le mouvement des droits civiques des années 1950 et 1960.
Le minstrel show
Le minstrel show était une tradition théâtrale américaine populaire du XIXe siècle dans laquelle des artistes blancs (et plus tard également noirs) utilisaient le blackface pour représenter des stéréotypes caricaturaux et déshumanisants des Noirs. Il occupait une place centrale dans la culture populaire américaine et jouait un rôle clé dans la formation et la diffusion d'images racistes. Le minstrel show dépeignait les Noirs comme des êtres exagérés, serviles, infantiles ou « sauvages », renforçant ainsi les idées de hiérarchie raciale qui ont continué à influencer les représentations de l'identité, de la danse et de la musique noires jusqu'au XXe siècle et au-delà.
